J’ai trop regardé le soleil — intérieurem
ent je plisse —
— j’ai perdu l’âge où parler du jardin des fruits ensucrait déjà mes lèvres — c’était le jeu — l’arbre pourvoyait je lui chipais son fruit — c’était le jeu — le jour est sur le point d’achever de devenir la nuit — sur la plaine et mon torse des Mélophores meurent en cadence — je sais que sous la terre il y a
quelqu’un qui ploie pour que ça pousse—
Du silence elle parle — elle est bavarde dans le mien — dans le mien elle meurt encore et c’est long —
l’avertissement prolongé de son image — ou à défaut le prolongement de sa clarté — distance
je suis couvert de mains
jusqu’à l’horizon
jusqu’à la lie-gne
à loin
noires tes boucles
encheveux-trés
je n’ai écrit qu’un seul poème dans ma vie n’écoutez pas les rumeurs elles font de belles froissures au vent comme au linge blanc les bras noués mais je n’en ai écrit qu’un seul au monde et c’est celui des doigts
— avec mes doigts j’ai fait de gros noeuds dans tes boucles —
— bout-clair brillant qu’à peine à peine au bout de l’ongle
et les boucles de tes ongles et la
la boucle blanche qui me fend le
front — j’avais peur de me déno
uer —
je m’en chevautre à tes franges comme elles sont milles et qu’elles cavalièrent — les lourds tissus de ta peau miroient — je m’enrose à la lueur — ancré à elle — enroulénoué — ce ciel en cheveux qui m’attache — noué à toi — tu meus mon droit à la parole — cellulairement — voué aux rides de tes mains — les miennes sont toujours coincées dans tes crevasses
— j’ai sciemment rivé tes doigts au lieu de mon cou — ma gorge en berne dans le feu de tes jambes — elles se serrent comme leserres-aurapace — elles se lient entre elle autour de moi gorgé/coué de veines — et tes doigts rivés — tu rapaces à la dérive ton resserrement sur moi — strangulé en toutetpourtoi — tes doigts rivièrent en cadence sur mon torse — meurent les phalanges dans la poussière —
— tu m’as demandé de retirer cette peau morte — ta courbe mue dans ma cambrure — d’dans mon creux — tu as demandé à ce que je déchire ce corsage macéré de jasmin — c’est chose faite au bassin brisé — je sais aussi que la pulpe de tes doigts aurait de quoi m’évanouir qu’elle aurait de quoi me pourdebon qu’elle aurait me pourtoujours qu’elle àlafin ou qu’elle me riderait la gorge au bout de la course de tes mains sur mon dos la course de tes lèvres contre moi contre ma montre et je sais aussi qu’il est temps qu’il est pourdebon que ta pulpe est un bannissement de la lumière sur mes lèvres — je n’ai jamais écrit autre chose que cette marche effrénée des dents sur la voix tu pourrais me la sectionner j’ai senti mes cordes vocales vibrer par ce baiser mordant —
on voudrait toi et moi s’affranchir de ce baiser — il faut bien le dire le baiser a quelque chose de la stranglure du désastre de l’oubli — on s’oublie l’un et l’autre de respirer — on voudrait s’en désencheveutrer — mais comme ma main lierré fondu avec tes mèches on ne saurait s’en dispenser — alors tu m’embrasses convaincue résolument que jamais ne sera contenu en nos bouches l’ombre d’un accomplissement qu’il y a bien trop peu de nos bouches pour cet accomplissement qu’il y a bien si peu de ma bouche la tienne pour un acte de notre connivence que jamais assez ne sera cette jointure entre nous tu m’embrasses et résolument je te déçois mon visage inregardable et tes dents qui en veuillent à cette imperfection et cette impossibilité d’être à nous deux saisis —
un jour je t’écrirai un poème — un jour j’oserai parler de ces larmes que nous partageons rien qu’entre nous parce qu’elles sont rien qu’à nous deux — un jour je passerai le pas — je parlerai de cette douleur qui est entre toi et moi — je la sortirai de son fossé bruyant d’amour — j’arrêterai de nous la faire retenir — les plus infranchissables frontières se situent autour des yeux et de la voix — je te le promets — il y aura au moins promesse tenue entre nous — comme pour nous laver de ces jours où nous avions promis de dénouer nos doigts sans jamais avoir pu —
tu me regardes —
et par cette entreprise
tu opères un bouleversement —
j’essaie d’épuiser tes traits
mais rien n’y fait —
tu es tout près à présent d’un reflet de mon oeil tu es tout près si près lèvrée à moi tellement près
moibouchebée devantapeau tellement près que je ne te distingue plus du paysage et de la vie et que ton visage se dédouble c’est plus de lèvres encore à vouloir —
tu me regardes —
un jour
je parlerai de cette grosse peine qu’il y a entre nous —
pour l’instant
on se ferme nos bouches
et tes yeux dans mes paumes
comme au linceul un bassin brisé