J’ai peur de raccrocher quelqu’un pendant qu’il pisse
les lundis je suis un cheval de bât les sacs qui pendent
hochant près des corps des urinoirs
et un jour je sais que j’heurterai quelqu’un
et qu’il pissera le long de sa jambe ou qu’il se tournera légèrement
et montrera à un autre homme son jet abondant
ou qu’il tombera dans sa propre flaque fraîche
la bite molle et aucun de nous ne regardera
ou il me regardera évitant de le regarder
faisant semblant d’être intéressé par les carreaux beiges
peut-être parce que je rêve d’être raccroché
détourné de mon but par un inconnu
le contact le plus court pendant cet acte privé
les toilettes sont une intimité
seulement partagée avec les parents quand on est jeune
et une nouvelle fois quand ils sont plus vieux
et avec des amants quand par exemple un dimanche
matin s’étirant dans la salle de bain
on s’éveille au bruit de l’écoulement dans la cuvette
et on marche pour étreindre le corps nu
debout son dos offert et on embrasse sa nuque
et on goûte à cet endroit le recel de la nuit passée
et on respire l’odeur de cette perte jaune pâle du matin
et on prend son membre dans la main
et on ressent ce liquide le traverser
et en sachant que ça c’est l’amour la chair exposée
ce que nous expulsons du corps et ce que nous laissons à l’intérieur