Lettres à l’étranger

première suite

l’étranger ne naît pas, il est sans destination, s’impose en absolu, et, de sa couche d’un non-lieu, prend logis dans la jonction branlante d’entre un homme et sa chute, dans l’espace de jeu mécanique où l’huile se comprime et éclate

l’étranger, lui-même entre sa propre existence et sa chute, ne se laisse cerner autrement que dans la toute sécheresse d’un désert mental et l’eau que l’on glane des sueurs et pluies, sur la route

il s’impose en absolu en tant qu’il n’est pas, s’impose en tant qu’il trouve demeure comme fluide dans le non-lieu que définit une chute comme suspension avant l’écrasement, mécanique aussi, des chevilles sur l’asphalte

Laisses préliminaires de l’étranger : 

j’ai le monde entre les mains, les déserts réfléchissent mes doigts, le monde est une perle

                       dit-il 

j’ai la faim facile, le sens des limites, mon corps est un cornet dans lequel repose, entière et une, la substance du monde

sa matière est ma matière, elle n’a pas de structure et se fond ensemble dans ma peau 

mes pores la respirent et la recrachent en une circulation continue et indéclinable

le sol se maintient sous mon pas, mon souffle prononce une longue phrase qui est ma mesure et celle du monde 

je me tiens dans mon torse, mon torse se tient dans le bout de chaque orteil, la somme de mes orteils formule un front, il reflète l’extension de mes bras, mes bras sont l’exemple de mon sexe

j’ai le monde entre les mains, les déserts réfléchissent mes doigts, le monde est une perle, mes mains distribuent le monde comme sur un fil sans fin le nacre 


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Série des lettres : 

Exégèse des lettres à l’étranger 

            que

            nos mains

que font encore nos mains

dans ce bouiboui insalubre 

artificier, brosseur

la langue de nos mains s’éclate au faux – plafond trop bas et mythique encore de nos bouibouis insalubres 

je – et derrière lui l’espèce – salue la fronde 

salue la foule frondeuse, barbares, qui par trop de dingueries foutues à la gorge

s’en est allée 

salue la foule frondeuse sous mon je répugné qui s’est soulevée au matin et a décidé d’empaler l’ancêtre

propriétaire de la grande maison et/ou des murs insalubres où cela meurt 

                       de faim et de mauvais gaz 

demain très tôt la fronde – et je, sur son dos d’exaspérée – fait tomber les murs et vit nus pieds sur la tronche pourrie d’un très ancien désastre

je, spasmodique et défait, m’en va défaire l’ancien d’un très neuf et clinquant désastre, où la braguette se porte ouverte et la corde courte